Le Sud-Est tunisien à la fin du XIXe siècle
L'organisation sociopolitique de la société tribale
La société tribale dans le Sud-Est tunisien, pour des raisons d’éloignement de la capitale Tunis, centre politique du pays, n’a retenu l’attention des Beys que lors des saisons de collecte d’impôts ou des voyages de la famille beylicale pour Tripoli ou bien pour effectuer le pèlerinage à la Mecque. C’est ainsi que, remarquant l’insécurité qui régnait dans la Jeffara tuniso-tripolitaine, à la suite d’une expédition à Tripoli, Mourad Bey décida de construire en 1673 un Bordj de surveillance dans l’actuelle ville de Benguerdane. Habité par les Nouail dans un premier temps puis -en 1770- par les Touazines, il fut choisi par l’administration coloniale française (en 1894) comme poste militaire et occupé par un détachement du Maghzen.
L’une des ressources législatives de la société tribale du Sud-Est tunisien fut « Hilf El Fdhoul » ou « pacte des vertueux » (en 1837) qui organisa les aspects sociopolitiques et « institutionnels » (législatifs, juridiques et exécutifs) tribaux et intertribaux au sein de la confédération de Ouerghema.
Ce pacte est ratifié à une époque où le processus de colonisation du territoire algérien fut entamé (1830) et où un rapprochement est constaté entre la régence de Tunis et la France. À cette époque, la France n’a cessé de soutenir les Beys de Tunis dans leur projet d’indépendance vis-à-vis de la tutelle Ottomane, c'est-à-dire de passage du statut de régence turque (« Iyeleh tounissieh ») vers celui de royaume (« Memlekeh tounissieh »).
Dans une lettre adressée à M. Tissot, ambassadeur de la république française à Constantinople, en date du 18 avril 1881, M. Barthélemy-Saint-Hilaire, ministre des Affaires étrangères, expose à son auxiliaire diplomate la non-reconnaissance historique de la France d’une quelconque souveraineté territoriale de la Porte ottomane sur la régence de Tunis en affirmant que depuis l’instauration de la dynastie Husseinite (par Hussein Bey en 1705) « l’indépendance des Beys de Tunis s’est affirmée par la possession non interrompue du trône, par la conclusion de traités avec presque toutes les puissances de l’Europe, par le refus de la Porte de recevoir aucune réclamation relative aux pillages des corsaires tunisiens. » Et il poursuit dans cette missive : « Le roi Louis XV en 1742, la Convention nationale à la date du 6 prairial an III, le Gouvernement de la Restauration en 1824, celui de juillet en 1830 et en 1832, l’Empereur Napoléon III en 1861, traitèrent avec les Beys de Tunis comme avec des princes exerçant le pouvoir souverain dans sa plénitude».